MARC TRAN, DE L’AUTOMOBILE AU YOGA

Marc Tran est un ancien designer produit dans l’industrie automobile en Angleterre, reconverti en tant que professeur de yoga. Créateur du martial yoga, il se livre pour FRANCUS sur son chemin de vie d’homme et sa rencontre avec le yoga. 

FRANCUS. Salut Marc, peux-tu te présenter ?

Marc Tran. Je m'appelle Marc Tran, j'ai 33 ans et je suis né à Lyon. Je suis d'origine asiatique (vietnamienne et laotienne). Et je suis actuellement professeur de yoga. J’ai commencé par des études créatives, pour devenir designer produit. J'ai étudié à Lyon et Valenciennes, et ensuite je suis parti vivre à l'étranger en Angleterre pendant 6 ans, dans les Midlands (région en Angleterre). J'ai travaillé principalement dans l’industrie automobile, en tant que designer, notamment pour Jaguar. Je m’occupais de concevoir les détails des voitures : les feux, les jantes, les pare-chocs... Puis il y a 2 ans je me suis reconverti en tant que professeur de yoga.

Je suis une personne curieuse qui s'intéresse à plein de domaines. Dans la pratique physique, j’ai commencé avec les arts martiaux étant enfant. 

FRANCUS. Tu as démarré par quel art martial ?

MT. J’ai commencé par le judo quand j'avais 7 ans. Et ensuite j'ai pratiqué le taekwondo que je continue toujours aujourd'hui. Cela fait maintenant plus de 20 ans que je pratique le taekwondo. 

 

FRANCUS. Tu as fait de la compétition en taekwondo ?

MT. Un petit peu, de la compétition technique, avec des formes, on appelle ça des poomsae. Dans le taekwondo il y a 4 aspects de la pratique : poomsae (forme), combat, self-défense, la casse (de planche).

 

FRANCUS. Pourquoi le taekwondo ?

MT. C’est un truc de famille. Mon père, mon oncle et mes cousins en faisaient tous. J'ai essayé avec mon oncle et ça m'a plu, car il y a plus de percussion qu'avec le judo. Au taekwondo j'ai trouvé une communauté, je faisais partie d’une équipe de démonstration. J'aime ce côté artistique et esthétique de la pratique, c’est un art martial coréen réputé pour la qualité des coups de pied, sauté, retourné, les enchaînements ... 

“J’AI RESSENTI UN BIEN ÊTRE QUE JE N’AVAIS JAMAIS SENTI DANS D’AUTRES PRATIQUES”


FRANCUS. Pour en revenir au yoga, pourquoi s’être dirigé vers le yoga ? 

MT. Je suis de nature curieuse et j'ai voulu essayer le yoga. Mon premier cours a été un cours de Ashtanga. J'ai trouvé ça très humble mais à la fois très exigeant comme pratique. A la fin de mon premier cours de yoga j'ai ressenti un bien être que je n'avais jamais senti avant dans d'autres pratiques. Ça m'a donné envie de réessayer. 

 

FRANCUS. Qu’as-tu ressenti après ton premier cours de yoga ?

MT. J’étais apaisé, calme, et en même temps même si paradoxalement je m'étais dépensé physiquement par des mouvements lents et contrôlés. Le yoga est plus lent que le taekwondo. C'est une méditation en mouvement, avec une conscience de la respiration tout le long de la pratique. 

 

FRANCUS. Comment s'est déroulée la suite de ton histoire avec le yoga après ce premier cours ?

MT. A l'époque, je vivais en Angleterre. Mais il y a eu un moment où j'ai eu envie d'explorer le monde et couper, du coup j'ai quitté mon boulot. J'ai fait une pause pendant presque 1 an pour voyager en Amérique centrale. J'avais envie d'avoir cette liberté, de voyager seul avec juste un sac à dos. Ça a été l'école de la vie, j'ai pu améliorer mon espagnol, j'ai pu rencontrer pleins de gens, faire des randonnées, explorer, prendre du recul sur la vie et prendre le temps de me poser des questions. Durant ce voyage je me suis également rendu dans d'autres studios de yoga pour continuer à pratiquer.

 

“J’AI FAIT UNE RENCONTRE DÉCISIVE AVEC SCOTT, MON PROFESSEUR DE YOGA”

FRANCUS. C'est donc durant ce voyage que tu as commencé la pratique du yoga de manière plus intensive ?

MT. Oui puis le fait de porter un sac lourd qui me donnait mal au dos durant ce voyage m'a incité tout naturellement à pratiquer le yoga pour étirer mon corps. Puis un jour j'ai fait une rencontre déterminante, j'ai rencontré Scott Nanamura qui est devenu mon prof de yoga. Ça a été une rencontre majeure dans ma vie, j'ai senti que je pouvais apprendre pleins de choses avec lui grâce à son expérience dans le yoga, mais aussi dans le bouddhisme, la médecine chinoise, le tai-chi. Il était 2 fois plus âgé que moi mais faisait des choses que j'étais incapable de faire. C’est un homme très inspirant. 

Par la suite, j'ai continué à pratiquer la méditation et le yoga comme une routine matinale. Car pour voir des changements, il faut de la pratique, il faut être régulier. Du coup je prenais au moins 1h le matin pour ma pratique personnelle. 

 

FRANCUS. Comment es-tu devenu professeur de yoga ? et pourquoi?

MT. Il y a eu plusieurs étapes. Le voyage en a été une. Et les rencontres que j'ai faites, notamment avec Scott. La suite de ces étapes a engendré comme un déclic. Le yoga m'a permis de m'apaiser, de contrôler mes réactions, mes pensées. Je sentais que je devenais une meilleure personne en pratiquant. Je ne changeais pas que physiquement, mais je changeais à l'intérieur. J'ai eu le temps de beaucoup réfléchir, et quand je suis revenu de mon voyage j'ai décidé de suivre la formation pour devenir professeur de yoga. J'ai fait 200 heures de formation, avec Scott, en Grèce, en 2019. C’était très intense et enrichissant. On a appris beaucoup de choses sur l’anatomie du corps, la philosophie du yoga, les asanas (postures) et comment séquencer et donner un cours. 

FRANCUS. Qu’as-tu fait après cette formation de professeur de yoga ?

MT. J'ai voulu commencer à donner des cours de yoga en Angleterre. Je n'ai pas candidaté pour retrouver un job dans le design. Je voulais me laisser le temps de devenir professeur de yoga. Et j’ai démarré en donnant des cours de yoga dans un petit parc. 

 

FRANCUS. Comment se déroulent tes séances de yoga ?  

MT. A chaque cours de yoga je commence par une méditation de quelques minutes. Ensuite je fais des exercices de respiration, pour reprendre le contrôle. Puis on passe à la pratique des postures de yoga, on commence doucement et on finit doucement aussi. 

 

“ MA MANIÈRE DE PRATIQUER LE YOGA C’EST LE MARTIAL YOGA”

FRANCUS. Qu’est ce qui te différencie des autres professeurs de yoga ?

MT. Ma manière de pratiquer le yoga c'est le Martial Yoga. Je l'ai nommé ainsi, car ce sont les arts martiaux que j'ai pratiqué depuis petit qui ont inspiré ma pratique du yoga. Ma pratique est plutôt dynamique, exigeante physiquement en termes de mobilité et de force.
Je suis constamment en train de faire évoluer ma pratique pour progresser et par la suite faire progresser mes étudiants.
Je suis très discipliné dans ma pratique et je dédie en moyenne au minimum 3h par jour à ma pratique personnelle.

 

FRANCUS. Peux-tu nous en dire plus sur le Martial Yoga ? 

MT. C'est une pratique de hatha yoga, à laquelle je combine aussi des exercices de gymnastique suédoise et des mouvements extraits des arts martiaux. Donc il y a beaucoup de travail au poids du corps, d’équilibre sur les mains, et de travail des grands écarts. J'inclus aussi des éléments de mobilité (ou souplesse active) que j'ai développés avec la pratique d'arts martiaux, notamment pour la mobilité des jambes. 
Tous les cours commencent avec une méditation suivie d’un pranayama (exercice de respiration).
La devise de Martial Yoga est “pratique, persiste, persévère”.

 

“ LE YOGA M’A PERMIS DE REPOUSSER MES CROYANCES LIMITANTES”


FRANCUS. Quel impact le yoga a eu sur ton mental ?

MT. Le yoga m'a permis de repousser mes limites. Il a forgé mon état d'esprit, et m’a permis de m'enlever certaines croyances limitantes. J'ai pu guérir de mon asthme, alors que normalement il est convenu que c'est impossible. A 25 ans, il y a eu un déclic, je voyais que je n'arrivais pas à courir plus de 10 minutes sans être essoufflé. Du coup j'ai commencé à persévérer, à continuer à courir, en augmentant de minutes à minutes. J'ai eu un changement d'état d'esprit, en arrêtant de me conditionner à être asthmatique. Ce sont ça les croyances limitantes pour moi. Et il faut les briser. 
Au final à 30 ans je me suis motivé à courir un marathon, pour me prouver des choses à moi-même, j'ai fini dans la difficulté mais je l'ai fini.  

 

FRANCUS. Peux-tu nous parler de tes origines et leur impact sur ce que tu es devenu aujourd’hui. 

MT. Mes parents m'ont toujours appris à travailler dur, à m'intégrer, à être introverti, à ne pas faire de vagues. Comme beaucoup de personnes d'une minorité ethnique, j'ai subi des moqueries, ça touche forcément. Ça peut blesser et te faire ressentir que tu es moins intégré que les autres. Du coup j'étais une personne pas très confiante dans ma jeunesse. Je me sentais différent. Et en grandissant j'ai appris à cultiver ma différence, et à être fière de mes origines. J'ai accepté mes origines car de toute façon tu ne les choisis pas. C'est très important d'être dans l'acceptation de soi. 

 

“ LE YOGA EST UN OUTIL DE VIE” 

“LE YOGA ET LES ARTS MARTIAUX SONT MA VOIE”

 FRANCUS. Que représente le yoga pour toi aujourd’hui?

MT. Pour moi le yoga, la méditation, les arts martiaux sont des outils de vie. Ça me permet de cultiver un esprit sain dans un corps sain et d'avoir un fil conducteur dans ma vie. C'est ma voie, ce qu’on appelle “do” dans les arts martiaux ou “dhamma” dans le bouddhisme. Je suis constamment en train d'apprendre, et me former. Le yoga m'a permis de prendre conscience de mon corps. La pratique quotidienne du yoga de manière régulière est très puissante pour moi. Le yoga, selon moi, n'est pas un sport mais une pratique car c'est un travail quotidien. 

FRANCUS. Et tout ce que tu as appris avec le yoga tu l'as transposé dans la vie de tous les jours ?

MT. Oui, être persévérant dans le yoga m'a permis d'être persévérant dans la vie de manière générale. Les valeurs que j'apprends en étant rigoureux, consistant, discipliné, ça porte ses fruits dans la vie de tous les jours. 

 

“POUR MOI C’EST MA MISSION DE GUIDER LES AUTRES MAINTENANT, JE LE RESSENS”

FRANCUS. Quelle est la différence entre le Marc d'avant le yoga et le Marc d'aujourd’hui ? 

MT. C'est dur de le décrire comme ça. Mais par exemple, la semaine dernière j'étais à un mariage et j'ai revu un ami de longue date, que je n'avais pas revu depuis 14 ans. Il m'a tout de suite dit " je te sens beaucoup plus calme, plus serein". Donc je pense que le yoga m'a permis de m'équilibrer, j'étais trop impulsif avant, trop actif. J'ai compris que je ne pouvais pas tout faire, qu'il fallait faire des choix. Avant je partais à droite et à gauche. 
Je me sens mieux maintenant, et sur le long terme ça ne peut être que bénéfique de prendre du temps pour soi et de le partager autour d'autres personnes. Ma mission de vie est de guider les autres dans leur développement afin de débloquer leur potentiel.

“JE ME SENS LIBRE D’ALLER AU-DELA DES CLICHÉS” 

 FRANCUS. Te sens-tu plus libre maintenant ?

MT. Oui, je me sens plus libre physiquement, je peux faire des choses avec mon corps que je ne pouvais pas faire avant. Je me sens libre d'explorer des choses que j'ai admirées étant petit devant des films comme des positions, des mouvements, des coups de pieds d'art martiaux etc. Et puis je me sens libre de choisir mon style de vie. Un style de vie qui me permet de faire passer la pratique du yoga avant toute chose. J'ai sacrifié certaines choses pour choisir ce style de vie, mais je ne reviendrai pas en arrière. Je me sens également libre d'aller au-delà des clichés, comme je pratique le yoga en étant un homme. J'ai envie d'initier les hommes à se mettre au yoga. Le yoga signifie union, c’est prendre conscience qu’on fait qu’un avec le monde qui nous entoure.

 

FRANCUS. Quelle est ton actualité ? Maintenant que tu es de retour à Lyon après 6 ans en Angleterre.

MT. Après avoir donné des cours de yoga en extérieur au Parc de la Tête d'or, et au Musée des Confluences, je donne maintenant des cours en intérieur chez Physiospace. Je continue également à donner des cours en ligne à des personnes en Angleterre, et je donne aussi des cours particuliers. J'avais aussi un projet qui me tenait à cœur et que je viens de réaliser, c’était d’organiser une retraite. J'aimerais à terme faire au moins deux retraites par an. Je projette également de mettre en place des ateliers. Des ateliers spécifiques avec de l'inversion, de la mobilité, … Et puis à plus long terme j'aimerais ouvrir un studio, un espace de pratique où on pourrait mélanger plusieurs pratiques : gymnastique, yoga, arts martiaux,...

 

“ L’OBJECTIF CE N’EST PAS D'ÊTRE LE PREMIER MAIS DE DONNER LE MEILLEUR DE SOI” 

 FRANCUS. Quel est le message que tu veux faire passer à travers le yoga ? Quelles sont les valeurs que tu partage avec Francus ? 

MT. Développer notre potentiel, bouger, être mobile. La liberté du corps, la liberté de mouvements. Casser les clichés. L'objectif ce n’est pas d'être le premier mais de donner le meilleur de soi-même. Représenter les minorités. 

 

FRANCUS. Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour la suite ?

MT. Que je puisse pratiquer le yoga et les arts martiaux toute ma vie, pour que je puisse continuer à transmettre. Continuer à grandir, développer une communauté et de nombreuses collaborations intéressantes. Voilà tout ce qu’on peut me souhaiter !